© Wojciech Gajda
L'idée est ainsi de faire de l'industrie française un moteur face aux grands défis écologiques actuels mais aussi de transformer les contraintes environnementales en opportunité de marché. Alors que l'étude réalisée par le Boston Consulting Group indique que les ''éco-industries'' devraient représenter près de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et environ 280.000 emplois à l'horizon 2020, le ministre de l'Industrie Christian Estrosi veut convaincre les industriels de miser sur l'innovation face à la crise conjoncturelle.
Rappelons que si le Grenelle a débloqué des fonds pour financer le changement vers une économie verte, via des mesures fiscales ou des investissements supplémentaires, ces moyens économiques semblent, à eux seuls, insuffisants. Concrètement, si le gouvernement entend s'appuyer sur un effort partagé des secteurs publics et privés, des freins persistent aujourd'hui en matière d'investissements ''verts''. Les éco-technologies (''clean techs'') peinent ainsi à trouver des financements, pouvant compromettre leur développement. Une étude menée par l'agence Weber Shandwick en partenariat avec KRC Research, auprès de 400 responsables d'achat en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni présentée le 30 octobre, souligne que la moitié des grandes entreprises privées et publiques interrogées perçoit le coût comme ''le principal frein'' aux investissements dans ce secteur. Le coût ralentirait l'adoption d'une politique de propreté pour deux tiers des personnes interrogées en France, contre seulement 40% des Allemands.
''Bien que huit sociétés européennes sur dix possèdent une politique d'achat écologique bien spécifique'', l'étude souligne tout de même le manque d'informations émises par les fournisseurs de ''technologies propres'' permettant aux clients d'évaluer ''correctement'' les produits et services ''clean techs''. Un quart des personnes interrogées (26%) affirment en effet ne pas recevoir assez d'informations de la part des fournisseurs et une personne sur dix (11%) juge les informations qu'elle reçoit trop complexes. Moins d'un tiers des Français interrogés estiment recevoir assez d'informations concernant les qualités écologiques des fournisseurs. Les acheteurs français seraient également moins attentifs au caractère écologique des produits et services achetés que leurs homologues européens. Si 83% des sociétés allemandes et espagnoles mesurent les qualifications écologiques des fournisseurs, moins de 50% des sociétés françaises le font. Par ailleurs, si 60% des sociétés européennes accordent le même niveau d'importance à l'achat de technologies propres qu'avant la crise économique, 25% d'entre elles voudraient davantage se concentrer sur ce type d'achats tandis que 14% d'entre elles prévoient d'en faire une priorité basse.
Le cabinet entend ainsi pointer du doigt le déficit d'information qui ralentirait le développement des éco-technologies et les investissements dans ce secteur. Pour David Dornbusch, président de l'association CleanTuesday, qui rassemble des professionnels et des spécialistes des éco-technologies (start-up, grandes entreprises, collectivités, fonds d'investissement, etc), les difficultés de développement des clean techs en France, accusant un retard de 10 ans par rapport à l'Allemagne, relèvent d'un manque d'informations ''fiables'' sur ce secteur et d'investissements en capital-risque dans les entreprises innovantes en création ou les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance. ''Il faut inciter à l'achat dans les grands groupes ou dans les collectivités locales pour voir se développer les éco-technologies d'ici à 5 ans'', a-t-il affirmé, à l'occasion de la présentation de l'étude de Weber Shandwick à Paris.
Le fossé se creuse avec les banques
Si les entreprises innovantes, soutenues notamment par les pôles de compétitivité (Axelera, Tenerrdis, Minalogic,...) s'appuient beaucoup sur l'établissement public OSEO, voire sur l'ADEME pour trouver des financements, elles espèrent peu des banques aujourd'hui. Selon Olivier Dupont, président du directoire de Demeter partners, qui apporte des fonds propres aux entreprises, ''la crise a davantage creusé le fossé entre PME et banques''. D'autant que selon le sondage de l'agence Weber Shandwick, seulement 28% des responsables d'achat français comptent augmenter leurs efforts sur l'achat de technologies propres après la crise économique.
En conséquence, ces éco-entreprises et start-up, dédiées aux éco-technologies semblent miser davantage sur les investissements des collectivités. La Région Rhône-Alpes serait ainsi la première éco-région de France, avec 16 % du nombre des éco-entreprises présentes sur le territoire national, devant l'Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. De son côté, la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) dans le cadre du plan ''Strasbourg Eco 2020'', souhaite doubler le nombre de créations d'entreprises ''clean techs'' qui sont aujourd'hui au nombre de 50 sur le territoire de la CUS.
Du côté des entreprises œuvrant sur des secteurs plus traditionnels, le groupe pétrolier Total a annoncé en septembre vouloir investir 1,36 milliard d'euros dans les énergies renouvelables d'ici 2020 tandis que la SNCF a lancé en octobre 2008 un fonds d'investissements doté de 15 millions d'euros visant à soutenir les entreprises dédiées à la mobilité durable. La société de gestion Entrepreneur Venture, spécialisée dans le ''non côté'', a par ailleurs lancé le 27 octobre 2009 le fonds d'investissement (FIP) Développement Durable permettant aux institutionnels comme aux particuliers d'investir dans des PME du secteur des économies vertes dans les régions Provence - Alpes Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Bourgogne et Ile-de-France.
Vous avez dit bulle verte ?
Reste que malgré les difficultés qui se font jour et mises en évidence dans l'étude Weber Shandwick, avec la crise financière, la croissance verte et autres ''clean techs'' semblent bel et bien avoir le vent en poupe, captant investissements et aides publiques.
Si l'objectif semble louable, la question peut se poser : l'engouement pour ces technologies vertes relève-t-il d'une tendance de fond ou d'un phénomène de mode ? N'y aurait-il pas de risque d'une dérive mercantile ? Assiste-t-on à l'émergence d'une bulle verte ? La question semble d'autant plus pertinente que l'éphémère destin d'une bulle est toujours tout tracé : éclater !
Problème, la planète et surtout l'humanité ne pourront pas se le permettre…
Article publié le 04 novembre 2009